Projet de Lettre d'Orientation Générale de l'EMSP 2018-2021

Projet de Lettre d'Orientation Générale de l'EMSP 2018-2021

Bruno Nabagne Koné

L’École Multinationale Supérieure des Postes (EMSP) d’Abidjan est une Institution intergouvernementale de formation créée en 1970 par la volonté de huit (08) États d’Afrique de l’ouest francophone que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Togo et le Sénégal

Cette École continue de jouer un rôle important dans le développement des compétences des cadres postaux africains. A ce titre, elle a formé près de de 2.000 cadres moyens et supérieurs provenant d’une vingtaine de pays d’Afrique francophone et lusophone, pour les grades d’Inspecteur (INP) et d’Administrateur (ADM) des Postes et Services Financiers (PSF), et beaucoup parmi eux ont occupé ou occupent encore de hautes fonctions dans leurs pays respectifs, que ce soit au Ministère, chez l’Opérateur ou à l’Organe de régulation en charge de la Poste.

 

Aujourd’hui la situation de l’EMSP est fortement affectée par l’environnement du secteur postal caractérisé par :

  • des difficultés à la fois conjoncturelles et structurelles que traversent la plupart des Opérateurs postaux publics du continent, exacerbées par une concurrence de plus en plus rude;
  • celles-ci ont des répercussions directes sur les résultats opérationnels et sur le cash – flow de ces entreprises qui effectuent alors des coupes sombres dans leur budget de formation, tant bien même qu’elles ont de réels besoins en la matière;
  • les ressources financières de ces entreprises ne leur permettent pas du coup d’envoyer suffisamment d’élèves en formation à l’EMSP;
  • aussi, les effectifs d’élèves en formation à l’EMSP enregistrent-ils ainsi une baisse d’année en année, même si pour cette année 2017 – 2018 on enregistre une hausse significative par rapport à l’an dernier;
  • parallèlement à cela, on assiste à un vieillissement du personnel des Opérateurs postaux historiques, puisque les départs naturels ne sont pas suffisamment compensés par des remplacements d’effectifs, ni en quantité et ni en qualité ;
  • l’avènement et la montée en régime des Organes en charge de la Régulation postale sont perceptibles presque partout sur tout le continent, à la faveur de la fin du monopole de l’Opérateur public, concomitante à la libéralisation du secteur;
  • les opérateurs privés autorisés exercent sur le marché postal, notamment sur les segments à forte valeur ajoutée tels que le courrier express et le courrier des entreprises et emploient parfois du personnel ayant des besoins en formation dans le cœur des métiers de la Poste;
  • enfin, l’emprise des outils et applications des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans tous les domaines en général, et dans le secteur postal en particulier, se présente désormais comme une opportunité que les Postes africaines se doivent de saisir à fond.

Conséquence de ces constats, les difficultés de ces Opérateurs ont une incidence de cause à effet sur le niveau d’activité de l’EMSP.

Aussi, que faut-il faire face à ce statu quo ? Faut-il laisser les activités de l’EMSP péricliter, et laisser ce fleuron pensé il y a près d’un demi-siècle par des pères fondateurs des États membres, mourir de sa belle mort ?

Ou faut-il au contraire lui donner un nouveau souffle, afin que cette École continue de contribuer à l’amélioration des compétences des cadres africains du secteur postal ?

Face aux mutations opérées par les postes africaines dues à l’avènement des TIC et avec l’organisation en 2020 à Abidjan, siège de l’Institution, du prochain Congrès mondial de l’Union Postale Universelle (UPU), la Direction de l’EMSP devra engager l’École dans un processus de transformation, afin qu’elle puisse mieux répondre aux besoins des acteurs de son écosystème : Ministères, Opérateurs publics et privés, Organes de Régulation en charge de la Poste, Organisations postales internationales, Associations de Consommateurs, Élèves et Étudiants.

Tous, nous sommes concernés par le devenir de l’Institution. En effet : 

  • En tant que Ministères en charge de la Poste, donc garants du devenir de l’EMSP, nous devons permettre à ce formidable outil de développement et d’intégration africaine, de continuer à jouer son rôle de Formation, de Recherche et de Coopération en matière postale et dans les domaines connexes.
  • En tant qu’Organes de Régulation postale, nous devons assurer par la formation à l’EMSP, une montée en compétences des cadres chargés de veiller à l’exercice d’une saine concurrence dans ce secteur.
  • En tant qu’Opérateurs postaux, nous devons entretenir ce creuset du savoir, de la technicité et de la recherche, qu’est l’EMSP, en y envoyant régulièrement du personnel en formation sur le cœur de métier, les produits et services, les TIC, et les domaines connexes à la Poste.
  • En tant qu’Institutions postales sous-régionale, continentale ou mondiale, nous devons permettre à l’EMSP d’agir activement dans le concert des Nations et l’amener à promouvoir et à faciliter des espaces de concertation, d’échanges et de partage entre les acteurs du secteur.
  • En tant que Consommateurs, nous devons exiger que la formation à l’EMSP soit pérenne, afin que la qualité du service postal soit irréprochable et que ce service touche davantage de population par son universalité et par son abordabilité.

Autre constat, les Écoles interafricaines d’enseignement supérieur professionnel, de façon générale, évoluent aujourd’hui dans un environnement caractérisé par la réduction des contributions des États membres, la stagnation des effectifs d’élèves en formation, le manque d’infrastructures, et l’EMSP n’échappe pas à cette règle.

Il s’agira donc pour l’École d’entrevoir de nouvelles perspectives empreintes d’innovation et de créativité.

Pour y parvenir, l’Institution devra bénéficier de la contribution de tous les États membres. Elle devra aussi diversifier ses sources de financement, en adressant ses offres, au-delà de ses clients classiques que sont les Opérateurs postaux publics, aux autres acteurs de son écosystème que sont les Organes de la régulation sectorielle et les entreprises privées postales.

Elle devra également se tourner vers les partenaires techniques et financiers et les organisations internationales, afin de recevoir des appuis de leur part, dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale.

Toutefois, elle devra préserver les acquis obtenus par le passé malgré les vicissitudes auxquelles elle est confrontée. Elle devra également s’inspirer des meilleurs modèles qui existent sur le continent en matière d’organisation, de fonctionnement, de gestion, de financement, de partenariat et de gouvernance d’Institutions interafricaines similaires.

Pour le Conseil d’Administration de l’EMSP, l’avenir de l’École est conforté par sa raison d’être déclinée de la manière suivante : “Tant qu’il y aura des besoins de formation et de recherche à satisfaire dans le domaine postal en Afrique”. Et ces besoins sont énormes.

Pour réaliser ses missions, l’École doit non seulement adapter son offre de formation, mais avant tout concevoir une nouvelle stratégie assortie de plans d’actions opérationnelles à même d’accompagner tout l’écosystème postal dans la satisfaction du triptyque cher à l’UPU depuis le Congrès de DOHA au QUATAR en 2012, à savoir : l’Intégration, l’Inclusion et l’Innovation. Ainsi, les programmes à dispenser devront-ils mettre l’accent sur la Poste physique, la Poste financière et la Poste numérique.

Au total, il faudra décliner les actions à mettre en œuvre à partir des cinq (5) grands axes suivants :

  • Axe 1 : Renforcer la position de l’École dans ses domaines de Formations Classiques Traditionnelles (FCT) du cycle des Inspecteurs et celui des Administrateurs des Postes et Services Financiers (PSF), et diversifier les offres
  • Axe 2 : Développer, promouvoir et valoriser les études, la recherche et l’innovation dans le secteur postal et dans les domaines connexes
  • Axe 3 : Affirmer, consolider la dimension internationale et pérenniser les activités de l’École, à travers la coopération et les partenariats
  • Axe 4 : Réhabiliter et moderniser les infrastructures et équipements de l’École
  • Axe 5 : Mettre en place une bonne gouvernance managériale et organisationnelle

Ces cinq (5) axes stratégiques devront être déclinés en sous – axes mettant l’accent notamment sur : 

  • le repositionnement de l’École au sein des États membres et son élargissement à de nouveaux pays ;
  • la mise en œuvre des recommandations du Comité de Réformes pour le développement des activités de formation et le renforcement des textes de gouvernance de l’EMSP, faites lors des travaux du Séminaire du mois de décembre 2017 ;
  • l’adaptation de l’Accord intergouvernemental et de l’Accord de Siège de l’Institution ;
  • l’amélioration et la stabilisation de ses ressources, et l’instauration d’un modèle de financement équitable de l’École par les États membres ;
  • l’ouverture des prestations de l’École vers toutes les entreprises opérant dans le secteur postal et vers ses domaines connexes;
  • la mise en place d’un Centre d’Innovation et d’Incubation Postales;
  • la relance de la coopération et des partenariats en vue du rayonnement international de l’EMSP;
  • l’organisation et le fonctionnement actuels de l’École, le mode de recrutement de ses cadres et de ses enseignants, et la définition d’une politique de rémunération plus motivante de son personnel.

Ces sous–axes devront être ensuite analysés sur des périmètres ou champs sur lesquels seront définies des actions sectorielles de contribution à la réalisation de la stratégie globale. Si cette stratégie est bien déployée, elle devra permettre une meilleure conduite de l’École sur les chemins de son développement.

S’il est vrai que la renommée d’une École dépend d’abord de la qualité de ses apprenants, il est aussi admis que celle-ci est acquise grâce à la qualité de ses enseignants et de ses programmes de formation. 

C’est donc un cercle vertueux que l’EMSP devra être amenée à construire, et sa circonférence devra être aussi grande que le sont les attentes des États membres et de tout l’écosystème postal envers l’Institution.

Les chantiers ouverts et ceux à venir permettront in fine de repositionner l’École et d’entrevoir sa mue profonde à travers sa réhabilitation et son rééquipement.

Pour réaliser ses ambitions, l’EMSP pourra compter sur la forte implication des États membres, surtout en ce qui concerne l’orientation de sa stratégie et son financement.

Elle devra aussi bénéficier du soutien de ses partenaires historiques et naturels que sont Opérateurs et les Organes de Régulation en charge de la Poste des États membres de l’École, afin de lui fournir régulièrement un vivier optimal de personnels à former.

L’EMSP devra enfin recevoir l’appui des Organisations postales internationales, notamment l’UPU, l’Union Panafricaines des Postes (UPAP) et la Conférence des Postes des États de l’Afrique de l’Ouest (CPEAO), et des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) au développement.

En somme, la vision qui consiste à faire de l’EMSP, une Institution d’excellence au service de la transformation des postes africaines, par la Formation, la Recherche et l’Innovation, aura pour socle quatre valeurs cardinales : PROFESSIONNALISME, INNOVATION, CONFIANCE et EXCELLENCE.

Dans un monde postal en pleine évolution, nous exhortons donc la Direction de l’École à tout mettre en œuvre pour conduire avec succès tous ces changements sur la période 2018 – 2021, afin de garantir un avenir radieux à l’Institution. 

 

Pour le Conseil d’Administration

Bruno Nabagné KONÉ
Ministre de la Communication, de l’Économie Numérique et de la Poste
Président du Conseil d’Administration de l’EMSP

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